Renforcer la résilience au-delà de la conformité : Une session sur les risques psychosociaux avec Vanessa Ezerzer, Noémie Leger et Carole Da Silva

Si la gestion des risques psychosociaux peut être une obligation légale, les organisations avant-gardistes la considèrent comme bien plus qu’une simple formalité de conformité, mais comme un avantage concurrentiel essentiel et la pierre angulaire de lieux de travail résilients et performants dans le monde d’aujourd’hui, régi par les crises.

Tel est le message qui a résonné tout au long de la deuxième journée du sommet virtuel de quatre jours du Conseil en Organisation et Engagement, Prospérer dans l’incertitude : Leadership et bien-être en période de turbulences. Au cours de la session « Construire des systèmes résilients : Politiques et pratiques pour atténuer les dommages psychosociaux », Christian Mainguy, consultant mondial principal à l’Organisation mondiale de la santé, a été rejoint par Vanessa Ezerzer, Noémie Leger et Carole Da Silva de WPO France Consulting pour présenter un examen convaincant du paysage complexe des risques psychosociaux sur le lieu de travail d’aujourd’hui.

Ensemble, ils ont présenté le contexte juridique, des stratégies réalisables et des exemples concrets de la région. En présentant les risques psychosociaux non seulement comme une préoccupation réglementaire mais aussi comme un défi fondamental pour la santé organisationnelle, les orateurs ont souligné les coûts humains et systémiques de l’inaction et le potentiel de transformation d’une prévention proactive.

De la gestion du changement aux obligations légales en vertu du droit du travail français, la session a expliqué ce qu’il faut faire pour soutenir de manière proactive le bien-être des employés en période de perturbation et comment les entreprises peuvent mettre en place des systèmes qui vont au-delà de la conformité pour parvenir à une véritable résilience durable.

Lisez un extrait de la session ci-dessous :

Christian : Première question, quels sont les contextes ou les situations qui amènent les entreprises à vous solliciter pour la gestion du changement ?

Vanessa : Notre soutien à la gestion du changement, Christian, s’inscrit dans des contextes très variés, souvent liés à des défis de transformation – stratégique, organisationnelle ou même technologique.

Quoi qu’il en soit, nous intervenons lorsque les entreprises sont confrontées à des changements véritablement majeurs ayant un impact humain et social potentiellement important.

Au cours des deux dernières années, la France a connu une intensification des projets de restructuration, ce qui signifie que nous sommes désormais principalement impliqués dans des situations très complexes et très sensibles, telles que des fermetures de sites ou des plans de sauvegarde de l’emploi qui entraîneront des suppressions de postes.

Mais nous intervenons également dans des contextes de transformation organisationnelle et structurelle plus traditionnels, tels que les réorganisations internes, les restructurations de services ou les changements de rôles.

Nous pouvons également accompagner les entreprises qui sont en pleine transition numérique ou technologique. Il peut s’agir de l’introduction d’un nouveau CRM, de l’intelligence artificielle ou d’une refonte complète du système d’information.

Dans tous les cas, il s’agit de projets qui auront un impact sur la vie professionnelle quotidienne des employés. Quel que soit le contexte dans lequel nous intervenons, notre soutien vise toujours à anticiper et à gérer correctement les impacts humains et sociaux liés à ces projets.

Cela signifie que nous essayons non seulement de comprendre et de traiter la résistance au changement, mais aussi de prévenir la démotivation ou le sentiment de perte de repères, car il s’agit de réactions humaines naturelles qui surviennent tout au long des projets de transformation et qui doivent être traitées naturellement.

Nous visons également à prévenir les risques psychosociaux et, bien sûr, à soutenir et à guider tous les employés tout au long du projet de transformation.

Christian : Parlant de ces transformations, et plus particulièrement des projets de réorganisation, quels sont les cadres juridiques applicables ? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Vanessa : En France, nous disposons d’un cadre juridique très avancé en matière de prévention des risques psychosociaux. La France a été pionnière dans plusieurs domaines, qu’il s’agisse du droit à la déconnexion ou de l’obligation de disposer d’un document unique répertoriant les risques physiques et psychosociaux.

En outre, le droit français et la jurisprudence évoluent de plus en plus vers un renforcement de la protection de la santé des salariés. Les employeurs français ont une obligation légale importante d’assurer la sécurité de tous les salariés, ce qui inclut aussi spécifiquement la prévention des risques psychosociaux. Cette obligation est à la fois réglementée par le code du travail et renforcée par une jurisprudence en constante évolution. C’est la force de la jurisprudence.

En ce qui concerne les projets de réorganisation, il n’y a pas vraiment de disposition spécifique dans le Code du travail et c’est donc par défaut le droit commun de la prévention des risques qui s’applique. Cela signifie que toute réorganisation – qu’il s’agisse d’un plan de départ volontaire, d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou d’un accord de rupture conventionnelle collective – devra toujours se faire dans un cadre protecteur pour les salariés. Plus concrètement, cela signifie que l’employeur sera tenu d’identifier, d’évaluer et de prévenir les risques psychosociaux pour tous les salariés, qu’ils soient directement ou même indirectement concernés par le projet de réorganisation.

On voit donc bien qu’en France, nous avons une forte culture de la prévention. Nous avons également l’implication des partenaires sociaux qui sont de véritables acteurs de la prévention et qui contribuent à créer un cadre idéal pour la mise en œuvre de nos mesures. Ce contexte favorable nous permet non seulement de renforcer la sécurité, la santé et le bien-être au travail, mais aussi, ne l’oublions pas, de promouvoir une organisation plus sereine, plus efficace et, surtout, durable.

Car ce que nous essayons vraiment de faire, c’est de pérenniser ce projet de transformation pour qu’il devienne aussi un moteur de réussite.

Chrétien : Merci, Vanessa. Puisque vous avez parlé de jurisprudence, j’aimerais m’adresser à Noémie… quels conseils pouvons-nous donner aux entreprises confrontées à une réorganisation ?

Noémie : En effet, comme l’a mentionné Vanessa, lorsqu’un employeur met en œuvre une réorganisation, il est tenu d’évaluer les risques que la mesure peut présenter pour la santé physique et mentale des employés.

Mais en définitive, je dirais qu’au-delà de cet aspect juridique, l’évaluation de l’impact d’un changement organisationnel – et surtout la préservation de la santé au travail de toutes les personnes impliquées dans le processus de transformation – est également cruciale pour la réussite du projet.

Et comme on peut le constater, les entreprises les plus matures sont celles qui mènent systématiquement une étude préalable des impacts humains et sociaux avant de mettre en œuvre leur projet de transformation, afin d’anticiper les éventuels effets néfastes sur la santé physique et mentale des salariés et, surtout, de mettre en place des actions correctives.

D’un point de vue méthodologique, notre objectif est de comprendre le plus précisément possible les impacts, que ce soit en termes de risques ou d’opportunités d’amélioration. Car un changement peut apporter des éléments positifs en termes d’amélioration, mais il peut aussi avoir des impacts négatifs sur les conditions de travail. En fait, nous cherchons à comparer les conséquences opérationnelles du changement avec les pratiques réelles des employés dans leurs activités professionnelles.

Pour ce faire, nous utilisons un cadre d’analyse simple sur lequel nous nous appuyons, qui examine quatre dimensions lorsque nous menons une étude d’impact humain et social. Ces quatre dimensions sont : l’activité de travail elle-même, l’organisation de cette activité, les relations de travail et la manière dont les interactions professionnelles se déroulent, ainsi que les conditions matérielles et l’environnement physique de travail.

En examinant ces quatre dimensions, nous déterminons le niveau d’impact sur les conditions de travail des employés et nous évaluons l’importance de cet impact – soit en tant qu’opportunité, soit en tant que risque. Cela fournit un cadre de priorisation que l’entreprise peut ensuite utiliser pour mettre en œuvre des actions correctives.

J’ajouterais qu’en plus de cette évaluation de l’impact humain et social, comme Vanessa l’a également mentionné, nous avons en France la loi sur la santé au travail du 2 août 2021, qui renforce l’obligation pour les entreprises d’enregistrer et de mettre à jour le document unique d’évaluation des risques professionnels, également connu sous le nom de DUERP. Cela devient particulièrement important lorsque des modifications sont apportées au lieu de travail et qu’elles affectent les conditions de travail des employés, comme c’est souvent le cas lorsqu’une réorganisation est mise en œuvre.

En fin de compte, au-delà de l’aspect réglementaire obligatoire, nous conseillons aux entreprises de considérer cette mise à jour comme une opportunité – de traiter le document comme un outil de travail dynamique et, surtout, comme un outil permettant d’établir des priorités et de prendre des décisions sur les actions à mettre en œuvre en premier lieu.

En tout état de cause, nous considérons cette exigence quelque peu réglementaire comme une opportunité pour l’entreprise de s’engager dans une démarche de collaboration avec d’autres acteurs de la prévention. Je pense notamment aux responsables hiérarchiques, aux représentants du personnel, au service de santé au travail, qui ont tous un rôle à jouer pour créer un dialogue autour de ces questions de santé au travail.

Chrétien : Merci d’avoir clarifié et exposé cette méthodologie précise. Donc, pour faire suite, quelles sont les principales clés du succès pour soutenir efficacement ces changements ?

Noémie : Excellente question. Nous avons commencé à en parler, mais même une réorganisation à petite échelle peut avoir un impact significatif sur les conditions de travail des employés.

J’aimerais mentionner une étude réalisée en 2022, qui met en évidence un pourcentage assez élevé – 83% des employés qui ont répondu ont déclaré être dans une position d’attente par rapport aux transformations qu’ils ont vécues ou qu’ils s’attendent à vivre dans leur entreprise. Ils attendent plus de communication et de transparence.

Si je vous en parle aujourd’hui, c’est parce que dans nos propres travaux, nous observons à peu près la même chose : donner du sens au changement organisationnel, anticiper les risques psychosociaux induits par le projet, impliquer les acteurs de la prévention le plus tôt possible, soutenir les managers, assurer un accompagnement continu, et surtout communiquer clairement et régulièrement, sont finalement autant de leviers essentiels pour assurer la réussite d’un projet de transformation.

Nous pensons que les entreprises qui placent les personnes au cœur de leur stratégie sont celles qui ont le plus de chances de réussir. Elles construisent également des organisations plus résilientes, plus agiles et, surtout, plus tournées vers l’avenir.

La prise en compte du facteur humain est donc extrêmement importante dans tout contexte de changement organisationnel. C’est pourquoi nous vous proposons un accompagnement dédié afin d’identifier ce qui peut être proposé pour mieux accompagner les différentes personnes impliquées dans un projet de transformation.

Comme je l’ai mentionné, avant de mettre en œuvre une réorganisation, nous aidons les entreprises à réaliser des études d’impact humain et social. Au-delà, de l’annonce à l’ensemble de la transformation, nous apportons un soutien continu pour renforcer l’accompagnement des salariés.

Nous pouvons proposer des séances ou des ateliers sur place, animés par des psychologues du travail spécialisés dans ce type d’accompagnement, afin d’offrir à toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des employés, des managers, de la direction des ressources humaines ou même des représentants du personnel, un espace confidentiel pour être entendus, analyser leurs expériences, leurs préoccupations et même leurs pratiques de travail quotidiennes. Cela se fait de manière longitudinale, afin d « être présent tout au long de la phase de transition, jusqu » à la mise en place de la nouvelle organisation.

Et je dirais qu’un élément crucial pour que ce soutien soit efficace et engageant est la communication. C’est vraiment un facteur important à prendre en compte.

Nous veillons tout particulièrement à ce qu’il y ait toujours un moment consacré à la communication – à la présentation des objectifs de ces séances d’accueil et du soutien en général – afin que les messages soient clairement entendus et compris par tous, et que les personnes puissent s’engager dans le soutien. En général, nous organisons une session de présentation avant la première permanence, au cours de laquelle nous présentons les objectifs ainsi que l’animateur qui dirigera les sessions.

Il y a encore un point sur lequel j’aimerais particulièrement insister : lorsque nous soutenons les employés, nous ne nous concentrons pas uniquement sur ceux qui sont directement touchés par une réorganisation. Nous élargissons le champ d’action à tous ceux qui peuvent être plus indirectement touchés par la réorganisation mais qui peuvent aussi trouver ce genre de situation difficile.

Je prendrai l’exemple des plans de licenciement : bien sûr, nous soutenons les employés qui vont perdre leur emploi, mais nous soutenons également ceux qui verront leurs collègues partir – ceux qui resteront dans une nouvelle organisation et qui peuvent également trouver cela difficile.

L’organisation est confrontée à un défi de taille lorsqu’il s’agit d « étendre le soutien à ces personnes. Il est nécessaire de maintenir la motivation de ceux qui restent et, surtout, ce soutien permet d’anticiper les effets négatifs potentiels sur la continuité opérationnelle. C’est pourquoi il est important d » élargir le champ du soutien, non seulement aux personnes directement touchées par le changement, mais aussi à un groupe beaucoup plus large.

Christian : Je vous remercie, Noémie. Carole, se tournant vers vous…Compte tenu de votre expérience pratique sur le terrain, où les défis spécifiques au secteur rencontrent des cultures d’entreprise uniques, comment adaptez-vous votre approche pour naviguer dans ces complexités ?

Prêt à découvrir comment les organisations leaders de votre secteur transforment la gestion des risques psychosociaux en un puissant levier de résilience et de bien-être à long terme ?

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